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France: La vente du siège du PS marque la fin d’une époque

Vendredi 29 Décembre 2017


Une page se tourne pour le Parti socialiste français (PS). Son prestigieux siège du 10, rue de Solférino, en plein cœur de Paris, est racheté par le groupe Apsys pour 45,5 millions d'euros. Après la déroute électorale de 2017, le PS, dont les finances sont en berne, devra quitter l’hôtel particulier avant fin septembre. « Solfé » a été le symbole des années Mitterrand avant d'incarner, à tort ou à raison, un PS coupé des réalités.


Le 10 mai 1981, un hôtel particulier du cossu VIIe arrondissement de Paris résonne de cris de victoire. François Mitterrand vient d’être élu président de la République . Depuis la fin d’après-midi, les sympathisants se massent devant le 10, rue de Solférino, là où le PS s’est installé 9 mois auparavant. L’attente est longue et ce n’est que dans la nuit que François Mitterrand, rentré de son fief de Château-Chinon, pénètre dans l’une des cours du bâtiment. « Une image m’a marqué : les gens se poussaient, non pas pour le toucher, mais pour le laisser passer. Il n’avait besoin de rien faire pour fendre la foule », se souvient Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste jusqu'en septembre dernier.

Ce moment historique reste gravé dans la mémoire du PS. « Solférino occupe une place particulière dans l’imaginaire socialiste, parce que le lieu a tout de suite été associé à la victoire de 1981. C’est ce qui en a fait la force symbolique », avance l’historien Alain Bergounioux, ancien membre de cabinets ministériels socialistes et directeur de La revue socialiste.

«Pas besoin d'un immeuble aussi grand !»

Choisir, en 1980, cet hôtel particulier d’un quartier central de Paris, c'était pour François Mitterrand « donner l'image d'un parti de gouvernement, d’un parti proche des lieux de pouvoir » (Assemblée nationale, Elysée, Matignon), raconte Alain Bergounioux. « Etre bien installé, c’était disputer, dans l’imaginaire, l’espace à la droite », abonde Jean-Christophe Cambadélis.

Mais le choix ne plaît pas à tout le monde. « On n’avait pas besoin d’un immeuble aussi grand ! » s’exclame Pierre Joxe, ancien ministre de l'Intérieur. Celui qui est à l’époque trésorier du PS ne voit pas l’intérêt pour son parti de quitter les locaux qu’il occupe en face de l’Assemblée nationale. « Non seulement, le PS a choisi cet édifice immense mais, en plus, il l’a rempli de dizaines d’employés ! », se désole Pierre Joxe. Pour lui, pas besoin de multiplier les postes au sein d’un parti pour conquérir les électeurs. « Il ne faut absolument pas s’imaginer que c’est à partir des mètres carrés qu’on fait des millions de voix. »

Victime expiatoire

Les arguments de Pierre Joxe ne seront pas entendus. Bénéficiant d’un coup de pouce de ses créanciers allemands à la fin des années 1970, le PS déménage. Il devient propriétaire en 1986. Au fil des années, Solférino vit au rythme des victoires à la présidentielle (François Mitterrand et François Hollande) et des défaites (Lionel Jospin, Ségolène Royal et Benoît Hamon) qui écrivent une nouvelle page d’une histoire déjà riche.

Propriété du duc Albert de Broglie, ancien président du Conseil des ministres au XIXe siècle, occupé par le ministère de la Propagande sous Vichy (le ministre Philippe Henriot y sera assassiné en 1944), local de plusieurs syndicats au fil du XXe siècle, « Solfé » a été le symbole des années Mitterrand avant d'incarner pour certains un PS coupé des réalités.

Après la déroute de 2017, le siège du parti fait figure de victime expiatoire : un bâtiment trop prestigieux pour incarner la gauche, disent plusieurs socialistes. « C'est de la démagogie », juge Jean-Christophe Cambadélis. L’ancien patron du parti rejette l’idée d’un embourgeoisement progressif du PS. « Ce qu’il s’est passé, c’est que le PS est devenu LE pouvoir. Solférino est devenu un lieu où l’on venait manifester, comme devant un ministère. C’était le ministère des socialistes ! Ca a fini par donner l’image compassée, voire passée, du Parti socialiste », constate celui qui a laissé son siège à une direction collégiale. Avec neuf fois moins de députés et des dotations publiques divisées par quatre, Jean-Christophe Cambadélis se résout donc à vendre : « J’étais triste mais je me suis dit ensuite que je pouvais participer au sauvetage de l’histoire ».

Le 19 décembre, le nom de l’acheteur est annoncé : il s’agit d’Apsys, une société foncière, qui a mis 45,5 millions d’euros sur la table. Le PS a jusqu’au 30 décembre pour quitter les lieux. Il devra entre-temps trouver une nouvelle adresse. Un temps émise, l’idée de déménager hors de Paris n’est plus d’actualité. Le parti d’Epinay parviendra-t-il à se reconstruire ailleurs ? Le Congrès des 7 et 8 avril prochains devrait être décisif.

 
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Le Redacteur

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