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Crash de l'avion de Senegalair: "En attendant le rapport, sachons raison gardée" (Par Xavier Diatta)

Mardi 15 Août 2017

Le journal l’observateur  a publié ce jour à sa une, le titre suivant :
Conclusions de l’enquête technique : Le crash de Senegalair enfin élucidé :
  • Les Conclusions de l’enquête technique de la BEA transmises aux autorités
  • Le copilote ne remplissait pas les conditions préalables pour conduire sous l’immatriculation sénégalaise
  • L’avion surexploité n’était pas entretenu régulièrement malgré plusieurs recommandations
  • Son altimètre défectueux serait la cause principale de l’abordage avec l’avion de la compagnie aérienne CEIBA.
 Je vais essayer de sortir du carcan linguistique technique trop compliqué pour  expliquer ma gêne par rapport à cet article. Trop d’amalgames me mettent mal à l’aise. Je ne doute pas de la fiabilité de la source (Groupe GFM) mais c’est plus la compréhension attendue. Permettez-moi d’abord d’apporter des précisions sur la terminologie des mots et mon avis aprés.
  1. Qu’est-ce que le BEA
Le (BEA)  Bureau d'Enquêtes et d'Analyses (BEA) est comme son nom l’indique une institution chargée de mener les enquêtes lors d’un accident ou incident. Son premier attribut est son indépendance. Sa première mission est de collecter et d’analyser des renseignements ou des éléments issus lors d’un accident d’avion ou de structure aéronautique (bâtiments ou hangars). La deuxième est tirer les conclusions, y compris la détermination des causes et/ou des facteurs contributifs. La troisième et dernière mission est  s'il y a lieu, l'établissement de recommandations de sécurité.
J’avoue que je n’ai pas connaissance des attributions de notre BEA national, mais je présume qu’il  fonctionne conformément aux dispositions de l’OACI (Agence de l’Aviation Civile internationale) donc un peu comme le BEA en France, ou le NTSB (National Transportation Safety Board) aux USA.  Ces institutions  organisent prioritairement une conférence publique (à la suite d’un incident/accident) pour livrer  les conclusions de l’enquête, juste par soucis de donner des réponses aux familles des éventuelles victimes comme c’est le cas ici.   Les conclusions sont ensuite envoyées sous forme de recommandations, aux autorités de gestion et de régulation de la circulation aérienne, aux compagnies aériennes, aux centres de maintenance agrées, aux centres commerciaux distributrices de pièces de rechange et aux institutions de tutelle. Les implications d’un rapport d’accident/incident ne sont jamais anodines car elles peuvent
(Au mieux) :
  • Contraindre un constructeur à ré usiner une ou plusieurs composantes du modèle de toute une série d’avions et à diffuser les modifications partout où besoin sera..
  • Contraindre un exploitant à apporter des actions correctives immédiates dans le cadre de sa politique d’exploitation aérienne (maintenance préventive et curative, requalification du personnel, investissements lourds visant à améliorer et à sécuriser l’environnement aéronautique, etc.….
             (Au pire)
  • Conduire au retrait définitif du modèle ou de la série pour les constructeurs, fermeture d’aéroports si l’accident dépend de la non-conformité de l’aéroport, etc.……
  • Au retrait du permis d’exploitation aérienne (PEA ou AOC) pour les compagnies.
 
L'établissement des causes d’un accident aérien n'implique pas la détermination des fautes ou la détermination d'une responsabilité administrative, civile ou pénale
La mission s’effectue indépendamment de toute enquête judiciaire menée sur les mêmes accidents et incidents. Le BEA n’a pas la prérogative de mener des enquêtes judiciaires ou administratives.
 
  • 2°) « Les Conclusions de l’enquête technique de la BEA transmises aux autorités »
Je suis impatient de connaitre ces destinataires prioritaires que sont « ces autorités ». J’espère seulement  que nous restions dans le strict cadre réglementaire.
C’est à nous professionnels de conseiller idéalement nos gouvernants pour leur éviter de poser des actes qui pourraient compromettre la république. Je me souviens de la conférence de presse de notre Ministre en Charge du Transport aérien peu de temps après le crash. Il n’appartient pas au Ministre, encore moins l’ANACIM de vulgariser ce rapport. Que le BEA prenne ses responsabilités pour expliquer aux parents des victimes ce qui s’est réellement passé. Eux seuls sont à même de répondre aux questions.
 
  • 3°) « Le copilote ne remplissait pas les conditions préalables pour conduire sous l’immatriculation sénégalaise.
La validation des licences de vol,  est encadrée par les dispositions suivantes : http://www.anacim.sn/aviation-civile/transport-aerien/licences/
 
  • 4°) L’avion surexploité n’était pas entretenu régulièrement malgré plusieurs recommandations. »
Là j’ai un GROS PROBLEME car  j’entrevoie un certain malaise entre l’ANACIM et le BEA. Je prie tous les Dieux que ce ne soit pas le cas. Car si un tel scenario existait, je ne serais pas le seul à avoir un problème.  Le Sénégal en aurait un très gros. Ces deux institutions n’ont certes aucun lien de subordination mais elles se doivent impérativement de travailler en toute complémentarité.
Mais ce passage voudrait aussi dire que malgré les manquements constatés, l’ANACIM aurait failli à son devoir !!!.  J’avoue ma grande surprise par rapport à cette affirmation.
  •  
 De plus le personnel navigant est très soucieux de sa propre sécurité, plus que l’on laisse croire. Ceux sont des gens bien formés et très responsables, pas des kamikazes. 
Enfin, je suis d’autant plus surpris que je connais les inspecteurs de la navigabilité de l’ANACIM qui non seulement sont extrêmement compétents (car formés dans les meilleurs centres au monde, comme ceux de la FAA aux USA, ou ceux accrédités par l’EASA  en Europe) mais aussi très pointilleux sur les questions de sécurité et de navigabilité.  
  • 5°) « Son altimètre défectueux serait la cause principale de l’abordage avec l’avion de la compagnie aérienne CEIBA. Ce qui certainement expliquerait le fait que l’avion en provenance de l’Est se serait retrouvé à l’Ouest….. »
Cette dernière assertion me conforte dans mon doute quant à la bonne compréhension de ce rapport du BEA par le journaliste. Car, un avion comme celui mis en cause n’a pas qu’un seul altimètre. Le BEA ne peut pas confondre le dispositif TCAS, le système  d’encodage altimétrique avec un simple altimètre. Plus grave encore l’article semble dire que l’altimètre est aussi responsable du cap de l’avion au moment dudit « abordage ».
Pour conclure, j’aimerais attirer l’attention de tous sur la manipulation de ce rapport tant attendu par tous (professionnels, institutions, familles) car des familles attendent des réponses fiables pour qu’enfin elles puissent faire le deuil. Certainement un constructeur attend des réponses fiables pour éventuellement apporter des améliorations techniques. Une agence attend des réponses fiables pour renforcer son dispositif règlementaire aéronautique. Des investisseurs attendent des réponses fiables. Des réassureurs attendent des éléments pour mieux évaluer le climat aéronautique sénégalais. Des employés attendent de voir s’ils sont en sursis ou définitivement au chômage. Alors de grâce, sachons raison gardée !
Nous n’aiderons pas notre pays en véhiculant des éléments tronqués ou approximatifs qui nous desserviront demain.  
 
Xavier Diatta
 

Le Redacteur

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