Kha fagn na Ngoroo’ Roog a deb na qholum ! O’ fagnin fagn fagn fagn té wathiathia !”
A entendre monsieur le Président de la République ressasser cette antienne, beaucoup de Sénégalais ont dû finir par croire qu’il s’agissait d’une divine mélodie ou d’une incantation sacrée. Que nenni ! L’homme a simplement la manie de prendre du toc pour une œuvre pharaonique.
L’expression sortie de sa bouche publiquement et, apparemment pour la première fois, à Fatick le 23 février 2012, lors d’un meeting de la présidentielle, convenait bien à l’époque, vue la persécution dont il fit l’objet en tant que président de l’Assemblée nationale et la perspective imminente de l’accomplissement de son destin présidentiel. En effet, elle signifie littéralement, en sérère du sine, que « La haine nourrit envers Ngor n’empêchera point la pluie de tomber sur son champ. L’aurait-on haï de toute la haine du monde que la pluie y redoublerait même ».
Mais, le Président de l’APR est comme il est. Colérique à souhait et violent par-dessus tout. Parce que ramenant tout, notamment les combats hautement républicains et de principes, à des problèmes de personnes. Ainsi voit-il en ses adversaires politiques des ennemis qui chercheraient à le nuire et dont il doit s’occuper personnellement. Et, au besoin, avec la cruauté d’un lion affamé par son long sommeil. Dans sa tête, il est Ngor et les autres (opposants) le haïssent.
A ceux que je disais, lors de l’élection présidentielle de 2012, que je ne voterai jamais pour un ministre qui force un bureau de vote ni pour un premier ministre qui lit un rapport déclassé de l’IGE (sur les chantiers de Thiès) devant la représentation diplomatique dans notre pays et encore moins pour un président de l’Assemblée nationale qui s’excuse d’avoir légalement et légitimement convoqué un citoyen (Karim Wade dans le cadre de l’ANOCI) devant les représentants du peuple, 2016 aura fini de leur montrer le véritable visage de Macky Sall. Illustrations.
La CREI, une arme dépoussiérée, entre les mains d’un vindicatif
Si l’opposant devenu président de la République n’était tenaillé par une vive haine doublée d’un profond désir de vengeance envers son prédécesseur, la cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) morte depuis 1981 n’aurait été jamais ressuscitée. Le désir de reddition de compte était plus prégnant après la première alternance. Pour autant, cette époque n’a pas vu la CREI renaitre de ses cendres. Mais, Macky Sall est rancuneux. Et, ne pouvant atteindre Abdoulaye Wade en personne, en raison de son immunité d’ancien Président de la République, il a fait application de cette fable de La Fontaine. Si ce n’est toi c’est donc ton…fils.
La messe était donc déjà dite pour Wade fils qui n’avait aucune issue, aucune échappatoire devant une juridiction d’exception, 4 000 milliards de fortune supposée mal acquise et un renversement de la charge de la preuve. Preuve d’abord que les biens ciblés ne vous appartiennent pas. Ou alors, preuve qu’ils ont été bien acquis. Dans un Sénégal où rien ne marche, l’opinion a vite mordu à l’hameçon. La liste de plusieurs hauts dignitaires honnis de l’ancien régime qui devaient suivre, assaisonnée de quelques victimes collatérales, comme ce haut fonctionnaire des impôts à la retraite, administration jugée corrompue, n’était qu’un leurre. La cible était unique. Son nom Karim Wade, victime expiatoire des péchés de tout un régime et dont certains des biens seront mutés, avant même la fin de son procès, au nom des proches du pouvoir.
La suite est connue de tous mais les soubresauts étaient imprévisibles pour chacun: un assesseur qui démissionne en pleine audience, un procureur démis dans les mêmes conditions et le Président de la République qui voyage avec Ousmane Ngom, interdit de sortie du territoire car figurant dans cette longue liste que le Président Macky Sall même avoue avoir mis sous le coude…
Et finalement, la montagne accoucha d’une minuscule souris. Tout ça pour ça !
L’OFNAC…cimentière de la gestion sobre et vertueuse
A côté de la CREI pour les anciens tenants du pouvoir naquit l’OFNAC pour les nouveaux tenants du pouvoir. Tels devaient être les piliers de la « gouvernance sobre et vertueuse ». Le scénario porte l’empreinte même de monsieur le Président de la République qui s’engageait, à l’entame de son mandat, à ne protéger personne… personne sauf sa famille et ses proches. Madame Nafi Ngom Keita l’apprendra à ses dépens. D’abord, ce sont des ministres qui refusèrent de se soumettre à l’obligation de déclarer leur patrimoine, obligeant ainsi le président de la République à monter au créneau, non pas pour les tancer vertement, mais pour leur demander « d’aider madame Nafi Ngom Keita à recevoir ses déclarations ». Ahurissant ! Un président qui intercède auprès de ses ministres pour les inviter à respecter une obligation légale.
Ensuite quand, dans le cadre de l’exercice de ses missions, l’OFNAC a déposé un rapport accablant contre la gestion du directeur du COUD, le directeur du cabinet de Monsieur le président de la République lui-même, Me Oumar Youm, s’est violemment attaquée à l’institution et à la dame qui n’a eu que le tort de faire son travail et fouiller dans la nébuleuse du pétrole où le frère du président, Aliou Sall, s’embourbait dangereusement. Un ingénieur du service des mines de Louga, épinglé suite à une enquête de l’OFNAC et mis sous mandat de dépôt est extirpé par un décret présidentiel le nommant PCA.
Certains fonctionnaires épinglés par des rapports d’audit des plus prestigieux corps de contrôle de l’Etat (IGE et Cour des Comptes) sont promus et contraints, par le chantage, à embrasser une carrière politique bien tardive pour disent-ils (sauver leur peau bien sûr) soutenir l’action du Président de la République. En contrepartie, les rapports de la Cour des comptes et de l’IGE demandant aux services de la Direction générale des impôts et des domaines de réclamer 38 milliards dans le cadre des transactions du titre foncier Bertin, resteront dans les tiroirs.
D’autres fonctionnaires fidèles à la loi et aux procédures administratives comme Loum Diagne, inspecteur du travail qui a refusé d’avaliser le licenciement arbitraire des agents de AHS, ordre manifestement illégal de Mansour Sy, ministre du Travail ; ou le régisseur de la prison de Rebeuss seront relevés de leurs fonctions. Quant à Ousmane Sonko, il est radié pour avoir dénoncé le détournement de l’impôt sur les salaires des députés et d’autres scandales financiers impliquant des partisans ou la famille du président Macky Sall.
Adieu ! la gestion sobre et vertueuse… place à une gouvernance sombre et vicieuse.
Le référendum, le prix cher payé du parjure d’un homme
Après avoir librement promis encore et encore de réduire le mandat du Président de la République et de se l’appliquer pour celui en cours, Macky Sall a décidé de ne pas tenir promesse. Mais, l’effet du dédit (wax waxeet) du Président Wade est encore bien frais dans la tête des Sénégalais. Il fallait, couvrir le déshonneur et la gêne affichée lors du discours annonçant du dédit.
Au passage, l’avis consultatif du Conseil constitutionnel est requis par le président de la République qui s’est trouvé lié par ledit avis suivant lequel, il ne pouvait, étant élu pour 7 ans, réduire ce mandat à 5 ans… La formule trouvée pour réviser la Constitution sera de soumettre le texte au référendum. Pas question donc de faire passer le texte à l’Assemblée nationale, au risque de tenir la promesse. Même si c’est à moindre coût et donc plus bénéfique pour nos maigres ressources.
Pendant que l’école tanguait dangereusement vers une année blanche, en raison du non-respect des accords signés par l’Etat qui aura entrainé un long cycle de grève des enseignants, dans un climat de double-flux et d’abris provisoire, dix milliards furent dépensé pour maquiller le parjure d’un homme. Dix (10) milliards en lieu et place des 3.5 milliards annoncés.
Mais, le plus grand regret restera l’occasion manquée qu’a été cette consultation populaire. Pour rappel, le président de la République avait mis en place une Commission nationale de réforme des institutions qui avait soumis un projet de constitution. Au dépôt de son rapport, Macky Sall a décidé, selon ses propres termes, de « prendre ce qui l’arrange » et de consacrer de façon factuelle, la primeur du parti sur la patrie et la préséance de ses ambitions personnelles sur les aspirations légitimes de tout un peuple.
En effet, au chapitre des avancées majeures attendues du projet de constitution de la CNRI, figurait en bonne place l’indépendance de la justice. Mais, avec le président Macky Sall, cela attendra. En effet, peu après le vote de la loi référendaire qui consacre la révision de notre Constitution, les magistrats ont eux-mêmes dénoncés leur manque d’indépendance.
Yavuz Selim et le protocole de Doha, on survit dans le déshonneur
On nous tue mais on ne nous déshonore pas ! Telle est la devise de notre armée nationale, siège par excellence du sacrifice pour la mère patrie. Les deux épisodes de Yavuz Selim et libération de Karim Wade auront mis à rude épreuve l’affirmation de notre souveraineté. Chacun de ces deux faits majeurs rend compte, à lui tout seul, d’une déliquescence notoire des piliers d’une société viable, à savoir l’Education et la Justice.
Pour le cas de Yavuz Selim, il est utile de rappeler que cette école exploitée par une association de droit Sénégalais, « Baskent Egidim »,a été créée il y a près de 20 ans (donc bien avant l’arrivée de Erdogan au pouvoir) pour promouvoir une vision de l’éducation et modèle qui ont fini de faire leur preuve. C’est n’est donc pas une école du gouvernement ou de l’Etat turc, même si l’association comprend des citoyens turcs. Quoiqu’il en soit c’est aujourd’hui l’une des meilleures écoles au Sénégal. Et l’important reste qu’elle forme des enfants Sénégalais, africains, d’autres pays aussi, bref des citoyens du monde.
Dans un contexte de délitement, de l’école publique, la pilule de la fermeture annoncée d’un des fleurons de notre système éducatif passe très mal. Mais, que peut-on attendre d’un homme qui, n’ayant pu tenir ses promesses pourtant réalisables, vis-à-vis des enseignants n’a trouvé, comme solution miracle, que des ponctions sur les salaires et la menace de radiation de 5.000 enseignants ?
Mais, la pire encore, c’est que quel que soit l’apport de la coopération turque, notre pays se doit de refuser le déshonneur. Il n’appartient pas au Président Turc, Erdogan, de décider de la fermeture d’une école dans notre pays, quel qu’en soit le motif. En l’espèce, dire que l’école ne fermera pas est un faux fuyant. Un manque de courage pour assumer l’horreur. Il est clair que transférer la gestion d’une école du concepteur du modèle éducatif, qui s’est bâti depuis 20 ans, à une fondation créée il y a juste six (06) mois c’est la tuer à petit feu. Erdogan a demandé la fermeture de ces écoles et seuls les pays faibles céderont aux pressions qu’il exerce. Mais pour lui, peu importe la méthode employée, c’est le résultat qui l’intéresse : la mort du label Yavuz Selim.
La devise de notre armée est prononcée, en tout lieu avec fierté et au nom de tous les Sénégalais. Elle doit se traduire en posture de dignité et de fermeté, toutes les fois que l’histoire nous ouvre un chapitre à écrire pour la postérité.
Par ailleurs, comment concevoir que des biens appartenant à des privés, dans notre pays, puissent être transférés, en pleine propriété à leur Etat d’origine, juste parce que celui, objectivement ou subjectivement leur reproche quelque chose. Pour un pays comme le Sénégal qui compte beaucoup et fondamentalement sur les investissements directs étrangers c’est un très mauvais signal. Cela voudrait dire par exemple que si demain, le président Buhari reprochait à Aliko Dangote, de financer bokko haram, la cimenterie lui appartenant au Sénégal pourrait être transférée à une société nigériane créée pour la circonstance par l’Etat. Quelle insécurité !
Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. C’est peut être diplomatiquement incorrect, mais cela reste une réalité qui se vérifie au quotidien des relations internationales. De ce point de vue l’intérêt du Sénégal doit s’apprécier sous trois prismes : la préservation de notre fierté en tant que peuple aspirant à la grandeur, la sacralité du droit à l’éducation pour les futures générations et les messages forts que nous devons lancer, en permanence, aux investisseurs étrangers sur la destination Sénégal.
Concernant la libération de Karim Wade, elle aura mis à nu la fragilité de notre justice et la mise au pas, par l’exécutif, de ce pilier fondamental de la démocratie. La vérité aujourd’hui c’est que les citoyens ne font plus confiance à la justice. A juste titre d’ailleurs. Car, comment faire confiance à une justice dont les juges clament leur manque d’indépendance.
La vérité est que si chaque juge était indépendant dans le secret de son bureau et dans chacun des dossiers qu’il traite, la communauté des juges ferait déjà un grand pas vers cette aspiration commune. C’est donc, en grande partie, une question de personnes et une question de seuil de résistance aux pressions multiformes (famille, amis, lobbies, politiques, marabouts) qu’aucun texte de saurait prendre en charge.
Mais, puisqu’ici il s’agissait de grâce présidentielle, la question de sa libération est plus politique que judiciaire. Et c’est juste là le fond du problème. L’Exécutif ne doit pas faire de la justice un jouet au service de ses humeurs et de ses desiderata. Le pouvoir judiciaire ne s’appréhende, en tant que tel, qu’en soi-même. C’est-à-dire quand il jouit d’une totale indépendance et d’une liberté d’action qui lui permette de faire face à l’autre pouvoir en tant que contrepouvoir.
Tous les observateurs savent que malgré les sollicitations des autorités religieuses, le Président de la République a refusé de gracier Karim Wade qui, il faut le reconnaître, avait dit à qui voulait l’entendre, qu’il ne négocierait pas sa sortie de prison et qu’il ne demandait aucune grâce présidentielle suite à un procès et un verdict politique.
La question reste donc entière quant aux conditions de libération de Wade-fils. Mais, il est constant que ce jour-là, le procureur du Qatar a atterri à l’aéroport LSS, à bord d’un jet privé et qu’il en est reparti avec un prisonnier qu’il était venu extirper. Pendant ce temps-là notre diplomatie peine à apporter son secours à Mbayang Diop, une compatriote condamnée à mort en Arabie Saoudite.
On aurait pu continuer avec d’autres illustrations tels que la politisation de l’Administration et son utilisation éhontée à des fins de règlements de comptes politiques, comme dans l’affaire Ousmane Sonko, les stigmatisations d’une frange de la communauté musulmane à qui le chef de l’Etat reproche « de nous imposer un autre islam » sous prétexte de lutte contre le terrorisme, le scandale de la prédation des ressources pétrolières et gazières par la famille du président, notamment l’implication de son frère dans l’affaire pétro-tim, le scandale de AHS, l’Assainissement et TER-miner avec le choix de l’offre la plus chère de Alstom au détriment des offres Turques et chinoises. Une économie de près de 285 milliards qu’on aurait pu faire pour le même TER.
Mais, il faut au moins reconnaître au président Macky Sall une chose, c’est qu’il reste un tant soit peu honnête. Car même s’il se surprend à se comparer à un lion, c’est à un « lion qui dort » qu’il se compare.
Bassirou Diomaye FAYE